Il n’y a pas si longtemps, Sanankoroba était un désert… Mais aujourd’hui, une usine moderne de médicaments se dresse dans cette zone en banlieue de Bamako, la capitale malienne.
Branche de Humanwell Healthcare, un groupe pharmaceutique chinois, la décision de la société d’entrer sur le marché africain remonte déjà à 2009. Après l’ouverture d’une structure de distribution au Mali en 2011, la société a inauguré sa première usine sur le continent début 2015. Grâce à cela, c’est désormais toute l’Afrique de l’Ouest qui a accès à sa gamme de médicaments – sérums et sirops notamment.
D’une superficie de 69 000 m, l’usine emploie plus de 200 Maliens, dont des cadres. Tous ont reçu une formation concernant les techniques modernes de production pharmaceutique. « Cette usine va profiter à la population en mettant fin à l’absence de production de médicaments au Mali », a déclaré le Président Ibrahim Boubacar Keïta, lors de l’inauguration de l’usine.
Et ce choix est loin d’être anodin, car les pays africains ont généralement l’habitude d’adopter les normes pharmaceutiques américaines ou européennes.
« La norme n’est plus un problème »
Les médicaments ne sont évidemment pas des produits ordinaires, et toute production est sujette à l’approbation des autorités compétentes. « La seule solution est de se conformer à des standards élevés et de faciliter les inspections minutieuses de notre entreprise par les départements concernés », explique Li Wensheng, directeur général de la société Humanwell Healthcare au Mali. Du design à la construction de l’usine, du contrôle de l’environnement intérieur – incluant la qualité de l’air et de l’eau – au fonctionnement des équipements, tout doit être conforme à la norme Good Manufacturing Practice (GMP), le standard officiel de qualité chinois.
Par ailleurs, les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont également mené des enquêtes sur l’ensemble des processus de production.
Dans cette optique, Humanwell Healthcare envisage désormais d’accompagner les pays africains dans la création de leur propre norme pharmaceutique. Mais cela demande du temps et se lancer sans la préparation adéquate ne pourrait que nuire au développement pharmaceutique local sur le moyen-long terme. « Plutôt que d’établir une norme locale, nous pensons qu’il est préférable pour le moment de hausser les standards et la qualité des médicaments », explique Li.
Dans ce but, l’usine a introduit des concepts de gestion industrielle moderne au Mali. « Cela ne peut être que bénéfique pour l’usine, mais aussi pour l’industrie malienne dans tous les secteurs. Ce type de gestion est bien différent de celui des petits ateliers de production qui prévalait dans le passé », affirme-t-il encore.
Cependant, Humanwell Healthcare reste actuellement la seule usine pharmaceutique au Mali, et le pays dépend toujours de ses importations pour éviter le risque de pénurie de médicaments. De plus, en dehors de l’eau qui est utilisée dans le processus de fabrication, les matières premières et les emballages proviennent tous de Chine. Les coûts de production restent donc élevés. « À l’avenir, nous souhaitons créer une chaîne industrielle autour de l’usine pour stimuler l’industrie locale. Nous pourrions par exemple construire une usine d’emballages en carton, créer d’autres emplois et diminuer les coûts. Il s’agit d’un projet de développement durable », indique Li.
Et la Chine dans tout ça ?
Selon la Commission économique pour l’Afrique, un organe de l’ONU, le secteur pharmaceutique africain représente à peine 2 % du marché pharmaceutique mondial. « Le personnel et la technologie en Afrique sont loin de pouvoir satisfaire la demande d’industrialisation pharmaceutique pour le moment. Faire appel à des capitaux étrangers est une solution directe et efficace », détaille Chen Si, assistant directeur du Fonds de développement Chine-Afrique, à CHINAFRIQUE. Avec Humanwell Healthcare, ce fonds a investi 270 millions de yuans (environ 40 millions de dollars) dans la construction de la succursale malienne.
De plus, pour assurer le développement de l’industrie à l’échelle continentale, un environnement propice doit être mis en place, en facilitant l’accès aux capitaux d’investissement, en protégeant les intérêts des investisseurs ou attirant plus de talents locaux, ajoute Chen. « C’est une démarche de partenariat gagnant-gagnant. »
« 97 % des médicaments africains sont importés. Les entreprises chinoises peuvent donc être un accélérateur considérable pour la production locale », analyse Michel Sidibé, directeur exécutif d’ONUSIDA. Selon lui, deux méthodes se présentent à la Chine : d’une part, pour avoir la possibilité d’exporter vers le marché africain, les entreprises chinoises doivent obtenir l’approbation du Programme de pré-qualification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’autre part, le Fonds de développement Chine-Afrique doit encourager plus d’entreprises chinoises à fonder des usines sur le continent, dans le but de promouvoir les capacités de production locales.
Pour rappel, le gouvernement chinois s’était engagé à investir 60 milliards de dollars afin de soutenir le développement du continent, lors du Forum sur la Coopération sino-africaine de Johannesburg, en décembre 2015. Enfin, la coopération en matière de santé figurait parmi les priorités de la réunion, et la Chine avait alors encouragé ses entreprises à soutenir la production pharmaceutique africaine pour faciliter l’accès aux médicaments.
Le Fonds de développement Chine-Afrique
Il s’agit de l’une des huit mesures en faveur de l’Afrique annoncées par l’ancien Président chinois Hu Jintao, à l’occasion du Sommet de Beijing sur la Coopération sino-africaine en 2000. Le Fonds de développement Chine-Afrique se définit comme un fonds spécialisé soutenant les entreprises chinoises dans leur coopération avec l’Afrique. Créé officiellement le 26 juin 2007, il est actuellement le plus grand fonds dédié exclusivement aux projets d’investissement en Afrique.
Source : Site officiel du Fonds de développement Chine-Afrique