La distribution massive d’antibiotiques à des enfants du Niger a réduit la mortalité dans leurs villages, sans apparemment créer la résistance aux antibiotiques tant redoutée par les experts de santé publique, selon une étude publiée mercredi aux Etats-Unis.
Mais cette étude ne tranche pas définitivement la question, car d’autres travaux ont montré un impact plus mitigé de ces distributions.
Une équipe de chercheurs de l’université de Californie à San Francisco et Berkeley et du Carter Center avaient mené il y a quelques années un premier grand essai au Niger et dans d’autres pays africains, MORDOR I, pour vérifier si la distribution massive de l’antibiotique azithromycine aux enfants de moins de cinq ans, deux fois par an, réduisait la mortalité générale.
Cet antibiotique est efficace contre plusieurs bactéries, notamment E. coli et celle à l’origine du trachome, grave maladie contagieuse qui a rendu aveugles près de deux millions de personnes dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS gère d’ailleurs un immense programme qui a distribué des centaines de millions de doses d’azithromycine dans les pays les plus affectés.
Pour l’essai MORDOR I, financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, les chercheurs avaient constaté après deux ans que la mortalité était réduite de 18% dans les villages traités au Niger, par rapport aux villages témoins, où les enfants avaient reçu des placébos.
Mais les scientifiques se posaient plusieurs questions : continuer la distribution d’année en année pourrait-il réduire la mortalité davantage? Ou alors, cela pourrait-il avoir comme effet pervers de renforcer les souches de bactéries résistantes aux antibiotiques?
Ils ont donc réalisé la suite de MORDOR I, pendant une troisième année, baptisé MORDOR II. Cette fois, tous les enfants de moins de cinq ans, dans les 594 villages, ont reçu l’antibiotique, en solution buvable, deux fois dans l’année.
Les résultats sont clairs, selon l’étude : l’effet n’a pas augmenté, mais il « ne s’est pas estompé », écrivent les chercheurs. De la résistance a été observée en laboratoires, mais sans conséquence sur la mortalité.
Et l’effet a été quasiment immédiat : que les villages aient reçu l’antibiotique pour la première fois, ou qu’ils aient été traités pour la troisième année consécutive, la mortalité a été réduite dans des proportions semblables.
Reste à savoir si la résistance pourrait se développer à plus long terme. Les chercheurs vont poursuivre l’expérience trois années supplémentaires, dit l’auteur principal Tom Lietman, de l’université de Californie à San Francisco.
« Nous commencerons à en savoir plus l’an prochain », dit le professeur à l’AFP.