Le marché Roxy d’Abidjan, temple du faux médicament en Côte d’Ivoire

« Où est la caméra cachée ? » L’arrivée d’une journaliste dans le grouillant marché Roxy d’Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire, suscite immédiatement la méfiance. À gauche et à droite de l’étroite allée, s’entassent des piles de faux médicaments vendus par des centaines de commerçantes, uniquement des femmes.

« Je fais ça depuis vingt-cinq ans, je n’ai pas le choix ! J’ai cinq enfants et un mari au chômage », raconte Mariama.

En Côte d’Ivoire, au moins un médicament vendu sur cinq serait soit contrefait, soit mal conservé ou provenant d’usines indiennes ou chinoises, peu soucieuses des « bonnes pratiques de fabrication ».

100 000 décès par an en Afrique

Un trafic mondial, dix à quarante fois plus lucratif que la drogue, avec beaucoup moins de risques de finir en prison. Les saisies sont régulières, mais ne parviennent pas à enrayer le fléau, responsable de 100 000 décès par an en Afrique, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Afrique. Plus de 420 tonnes de médicaments de contrebande saisies. Lire plus »

Pour tenter d’y faire face, le gouvernement a créé une Autorité de régulation pharmaceutique et mise sur la nouvelle Couverture maladie universelle, mise en place le 1er octobre.

En attendant, à Roxy, les clients pensent toujours faire de bonnes affaires : les traitements contre le diabète et l’hypertension coûtent deux à trois fois moins cher qu’en pharmacie. Qu’importe s’ils sont dangereux, voire mortels, Mariama se défausse : « On m’accuse de tuer des gens, mais on n’accuse pas les fabricants ! »

« Ces champions de la falsification vont parfois jusqu’à inscrire un numéro de lot ou un QR code fictifs. Ils savent qu’on ne peut pas vérifier », analyse Assane Coulibaly, expert pharmaceutique à l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi).

« Inciter à la consommation »

D’autres « producteurs » jouent à fond des codes de la publicité, avec des photos très colorées d’un moustique ou d’un fessier proéminent, « pour inciter à la consommation », regrette le Dr Coulibaly.

Une jeune maman, en quête d’un traitement pour son enfant malade, peste contre les vendeuses : « Elles ne connaissent pas les posologies, certaines sont illettrées ! Comment peuvent-elles savoir si tel médicament est contre le mal de tête ou le mal de ventre ? »

Dans la pharmacie qui jouxte Roxy, des clients tentent de faire vérifier la qualité des produits du marché. « Mais s’ils n’ont pas de ticket de caisse ou d’ordonnance, on les renvoie. »

Reportage OUEST FRANCE

Laisser un commentaire